HISTOIRE DE L'EMPIRE METALLIQUE
épisode 2

Le voyage


1) Le départ

   Le ciel orange illuminait vaillamment le village des Ff, qui tentaient malgré tout de dormir. Ils n’avaient pas vraiment le choix, vu que le jour ne s’arrêtait jamais. Malgré tout, l’un d’entre eux continuait à s’affairer comme en plein jour, enfin comme quand tout le monde était réveillé quoi. Je pense qu’il est inutile de faire durer le suspens, vous aurez sûrement deviné qu’il s’agissait bien de Fant, le héros de notre épisode précédent. De l’épisode précédent certes, mais malheureusement pas du village. En effet, après avoir vaincu la monstruosité qui menaçait son village, il avait du attendre un très long moment, d’abord que les villageois sortent de l’effet des vapeurs de plum, ensuite, qu’ils terminent de fêter dignement la mort du monstre, puis que l’un d’entre eux se dise que Fant était peut-être caché quelque part et qu’il n’osait pas encore sortir et enfin, qu’on se décide à venir le chercher après une bonne nuit de sommeil. Pour le coup, le jeune Ff en avait tiré des idées meurtrières et de profonds remords à l’idée d’avoir sauvé ce village d’ingrats. Ce n’est qu’une fois sauvé et après avoir longuement dormi pour reposer ses muscles qu’il put enfin raconter en long, en large et en enjolivant la façon fort virile dont il avait vaincu la menace. Témoignage qui lui valut le profond respect d’absolument personne, étant donné que la plupart des auditeurs était parti avant la fin du conte et que ceux qui restaient s’étaient violemment foutu de sa gueule, son père en tête. Evidement, Fant avait plutôt mal pris ce manque de confiance envers ses paroles. Il faut dire que lui même n’était toujours pas vraiment sûr d’avoir pu faire tout ça. Et lors de l’affaire, tous les habitants étaient tellement shootés que personne n’avait fait attention à ce qu’il se passait. Quelques personnes avaient bien vu le monstre Chuter, mais rien qui pouvait témoigner de la véracité des dires de Fant.

   Voilà pourquoi, un bon femp (huit jours, bande de fainéants) après le drame, notre héros avait pris la décision de quitter définitivement le village. Avant sa rencontre avec l’énorme maké, jamais il n’aurait pu envisager une idée pareille. Néanmoins, être accroché au dos d’un primate de plusieurs centaines de mètres et se faire secouer comme un vulgaire acarien avait tendance à vous ouvrir l’esprit, d’autant plus que les moqueries incessantes des autres villageois et les regards lourds de reproches de Flonn (premier gros échec sentimental de Fant) étaient en train de le conduire tout droit vers les profondeurs insondables de la folie. Même le plum ne suffisait plus à le déstresser. Et pour en arriver à ce point, fallait-il que le Ff soit dans un triste état !

   La sélection des affaires à emporter fut très rapide, surtout parce qu’il n’y avait rien à emporter. Fant vida son carquois et le remplit des affaires de dernière nécessité : un couteau, un accrocheur de rechange (après deux suspensions prolongées à un unique accrocheur, on pense à ce genre de détail), quelques lances de chasse mais pas trop et surtout, surtout, un allumeur magique pour le plum trouvé en route. Une fois le sol atteint, notre voyageur s’enfonça dans la jungle sans un regard vers son village. Ca fait toujours bien de dire ça. Ca fait héroïque et tout. Mais bon, l’honnêteté me force à préciser qu’en fait, il se retourna bien cinq fois en se demandant s’il ne faisait pas une grosse bêtise. Le caractère buté du mâle l’empêcha cependant de faire demi-tour et il finit quand même par perdre son village de vue.

2) Les aléas du voyage

   Curieusement, le voyage se passa fort bien. Les différents gibiers n’étaient pas très durs à attraper et Fant n’avait pas besoin de chasser les animaux les plus dangereux. Des chutes d’eau apparaissaient un peu partout et étaient faciles d’accès. C’était encore la récolte de fruits qui posait le plus de problèmes. Les arbres fruitiers n’étaient pas aussi répandus qu’on pouvait le croire et surtout, on ne pouvait pas les repérer à distance. Il fallait donc compter sur la chance pour en trouver. Fant profitait de chaque occasion pour se faire des réserves. Tous les soirs, il se taillait trois ou quatre lances qui lui servaient le lendemain pour la chasse. Parfois, il avançait de nombreux kilomètres sans s’arrêter (alors certes, je pourrais encore inventer une unité de mesure foireuse sur une base de huit, qui utilise comme référence la taille que fait je-ne-sais-quelle plante au bout d'un cycle, mais déjà que le lecteur est paumé dès que je parle de memp, je ne vais pas en rajouter une couche), parfois il se contentait de s’allonger sur la branche d’un arbre, d’observer la jungle et d’écouter les oiseaux. Il ne comprenait plus comment un tel voyage avait pu l’effrayer. Cela faisait maintenant trois femps qu’il avait quitté le village et il ne se lassait pas de ces pérégrinations. Presque chaque jour, il apercevait des espèces animales qu’il ne connaissait pas, il arrivait même que des oiseaux viennent se poser sur lui quand il se reposait sans bouger. Ici, personne pour le juger ou se moquer de lui. Probablement un jour s’arrêterait-il pour se créer un petit habitat, mais il n’en voyait pas encore l’intérêt.

   Il fallait bien avouer que parfois, les habitants de son village lui manquaient un peu. Et il avait quelques remords d’être parti sans rien leur dire. Ils avaient dû être horriblement triste de constater son absence… En fait, son père avait constaté en premier la disparition et s’était dit que son fils avait du Chuter accidentellement pendant la nuit en allant faire ses besoins. L’histoire fit plus rire que pleurer et deux jeunes Ff s’empressèrent de profiter de la place nouvellement libérée pour découvrir les plaisirs des amours hétérosexuels. Quant à son père, après avoir oublié son fils dans les vapeurs de plum, il avait trouvé consolation dans les bras d’une jeune veuve qui venait elle aussi de perdre son fils (d’où place libre, d’où galipettes). Mais Fant ignorait tout ça, et c’était plutôt tant mieux pour lui. Autre avantage du voyage, il avait complètement arrêté le plum. Il était tellement bien qu’à aucun moment il n’avait éprouvé le besoin de se déstresser en fumant un coup. Son allumeur restait au fond de son carquois et n’avait servi à rien pour l’instant.

   Tout allait donc pour le mieux, jusqu’au jour où suspendu à un gros arbre pour cueillir un fruit aux apparences bien juteuses, Fant aperçu au loin ce qui ne pouvait être qu’un village Ff : des arbres sans feuilles ni fleurs, au bois clair, dépassant très nettement de la voûte tropicale et reliés entre eux par ce qui pouvait passer pour des passerelles de corde. Malgré lui, notre aventurier en herbe éprouva une intense excitation. Ce serait la première fois qu’il rencontrerait des Ff étrangers à son village. Car Fant n’était pas le premier de son espèce à voyager ainsi en solitaire. C’était d’ailleurs pour cette raison que les Ff savaient n’être pas seuls au monde. Le passage d’un confrère étranger était toujours l’occasion de se réjouir et de fêter l’inconnu devenu source de curiosité pour tous. De tels passages restaient très rares et on n’en voyait qu’un tous les deux ou trois séismes. La visite de ce village promettait donc un accueil digne d’un prince et surtout, Fant avait fort envie de retrouver quelques uns des siens, histoire de bavarder et de se remettre un peu dans le bain de la civilisation, si je puis me permettre de qualifier la culture Ff de civilisation. Mais pour un Ff, il s'agit incontestablemment de civilisation, alors ne les vexons pas inutilement.

3) Une rencontre imprévue

   Je vous ai déjà parlé des makés ? Mais si, rappelez-vous ! Des espèces de gros singes gris-brun qui se promènent en meutes et sautent de branches en branches. C’est aussi, et accessoirement, le pire danger pour les Ff…
   Et bien, c’est en se ruant vers le village que Fant tomba nez à nez avec deux makés. Bon d’accord, c’est complètement exagéré, mais dit comme ça, ça fait plus dramatique. En fait, alors que Fant se dandinait aux bout de ses accrocheurs pour arriver le plus vite possible au village, il repéra soudainement deux gros animaux assis plus bas sur des branches qui ressemblaient à s’y méprendre à un couple de makés. Ou en tout cas, ça correspondait drôlement bien aux descriptions que Fant en avait entendu. D’ici, il ne voyait pas ce qu’ils faisaient, mais sûrement torturaient-ils quelque pauvre animal innocent rien que pour le plaisir. En réalité, les deux créatures devisaient sur la meilleure façon d’élever un enfant en bas age.
   Stoppant brutalement son élan, Fant resta suspendu sans bouger un petit moment avant qu’il ne se rende compte que les makés ne l’avaient pas repéré. Fort aise de cet état de fait, il se déplaça le plus furtivement possible hors de leur portée. Dans ce genre de situation, un Ff devrait bien sûr tuer ces dangers sans hésiter, mais ici, Fant comprit que tel n’était pas son intérêt. Si deux makés se tenaient là, il y avait en effet fort à parier que la meute ne devait pas se trouver bien loin et le devoir premier de tout Ff était alors d’avertir le village à proximité au plus vite, car je rappelle pour ceux qui n’ont pas bien lu l’épisode 1 que les makés constituent une menace pour les villages Ff. Ils ont parfois tendance à attaquer. Bien sûr, c’était plus la lâcheté qu’autre chose qui dicta ce comportement, mais le résultat était le même. Une fois hors de porté d’oreille, notre fort peu courageux héros força un peu plus l’allure. Et c’est là qu’un troisième maké se propulsa depuis quelque part plus bas et s’accrocha à une racine dépassant du sol un mètre devant le fuyard.

   Voilà qui a de quoi vous faire rater un ou deux battements de cœur. En pleine course, Fant du donc s’arrêter nez à nez, et cette fois-ci c’est à peine exagéré, face à une monstrueuse bestiole dont la pensée première était sûrement : Comment vais-je bien pouvoir m’y prendre pour lui arracher tous les membres un par un et le garder conscient pendant toute l’opération ?
    Bien que faisant les deux tiers de la taille du Ff, le maké n’en restait pas moins fort impressionnant. Il semblait nettement plus petit que les deux qu’il avait pu apercevoir plus tôt. Probablement un enfant. Voilà qui augmentait quelque peu les chances de survie, d’autant que le monstre ne semblait pas pressé d’attaquer, ses yeux reflétait plutôt une sorte de curiosité infantile. Respirant plus calmement, Fant tendit un pied vers son carquois -je rappelle que les Ff manient leurs armes avec leurs pieds- et s’empara aussi doucement que possible d’une lance. Face à lui, l’enfant maké ne sembla pas s’en rendre compte. Néanmoins, il ouvrit les hostilités en ouvrant la bouche et en laissant échapper un terrifiant :
   - Bonjour…
   S’en fut trop pour le pauvre Fant. A la limite, un hurlement digne d’un troll berserk enragé, pourquoi pas. Mais ça… De stupeur, il manqua lâcher ses accrocheurs. Mais ça lui était tellement arrivé dans l’épisode 1 qu’il avait enfin apprit que c’était mauvais pour la santé. Par contre, tout en poussant lui-même un hurlement, il précipita sa lance vers le ventre du monstre parlant et l’empala sans autre forme de procès. Poussant un faible gémissement, la boule de poil lâcha la racine et dégringola vers une branche dans laquelle l’arme resta plantée.

   Alertés par le cri, les parents ne tardèrent pas à arriver. Le père eut juste le temps d’apercevoir un Ff s’enfuir au loin. Lorsque celui-ci se retourna pour jeter un œil derrière lui, le mâle put voir ses yeux oranges pâles, mais il n’eut pas le loisir de le détailler d’avantage car un cri de détresse de sa femelle l’obligea à détourner le regard. Ce qu’il vit le glaça d’effroi. Sa petite fille était empalée sur une lance plantée bien en évidence sur une grosse branche toute tâchée de sang. A coté, la mère pleurait à chaudes larmes en serrant le corps sans vie de l’enfant contre le sien. Ramenant son regard vers l’endroit où avait disparu Fant, le vieux mâle fronça les sourcils et laissa échapper un grondement sourd.

4) Une petite sauterie fort sympathique

   Ce fut donc complètement épuisé que notre jeune Ff arriva au village. Tout le long de la fuite, il avait imaginé des hordes de makés enragés le pourchassant avec en tête les pires outrages qui soient. On peut donc comprendre aisément son soulagement quand il arriva enfin au pied des arbres du village. Il s’accrocha à une corde et se laissa glisser jusqu’à la plateforme centrale. Là, quelques anciens discutaient politique (A l’avenir, vaut-il mieux privilégier la cueillette de fruits oranges ou de fruits bleus ?). Les adultes étant tous censés être rentrés de la chasse, l’un des anciens un peu inquiet s’approcha.
   - Qui es-tu ? Mais je ne te connais pas ! Serais-tu par hasard étranger à ce village ?
   - Oui, c’est le cas, réussit à répondre Fant entre deux prises de respiration.
   Tout excité, l’ancien se tourna vers ses collègues pour leur annoncer la nouvelle. Aussitôt, une foule d’anciens et quelques adultes qui regardaient la scène à distance se rassemblèrent autour de lui pour le contempler sous tous les angles.
   - C’est un étranger, vous êtes sûrs ?
   - Mais oui, je ne l’ai jamais vu.
   - C’est génial ! Il faut que je lui demande un autographe !
   - Et alors, vous venez d’où comme ça ?
   - Que pensez-vous de notre beau village ?
   - Si on fait la fête ce soir, je me fait sauter la panse !
   - Avez-vous déjà une compagne ?
   - Ils sont marrants vos yeux. Personne n’a d’yeux de cette couleur ici.
   - Le trajet a été long ?
   - Vous n’utilisez pas de GPS ?
   - Silence !
   Cette dernière injonction avait été proférée par l’ancien qui avait entamé la conversation. Il se rendait bien compte que le nouveau venu semblait fort épuisé par sa course et surtout que son regard évoquait une certaine crainte. L’assistance s’étant calmé, il ajouta à l’adresse de son hôte :
   - Vous n’avez pas l’air bien. Désirez-vous quelque chose ?
   - Oui. Du plum !

   Cette réponse avait satisfait tout le monde et quelques roulées avaient vite fait oublier à notre héros la présence des makés. Peu de temps après, les villageois amenaient de grandes réserves de fruits, de viandes et d’eau, sans oublier le plum. La fête fut particulièrement sympathique. Tout le monde se pressait autour de Fant, le dévisageant longuement et lui posant des questions sur son village et pourquoi il était parti. Le voyageur ne fit pas deux fois la même erreur et évita de parler de son combat avec le monstre qui avait failli ravager son village. A la place, il s’inventa un esprit aventureux, une volonté insatiable de découvrir le monde et autres absurdités qui firent grande impression sur les Ff crédules. De cette anecdote, Fant retint qu’un bon gros mensonge est parfois largement préférable à la réalité.
   Retenez bien ça. Pas pour vous, mais pour la suite de l’histoire.
   Il fit de son mieux pour répondre à toutes les questions, parfois ajoutant des détails inventés pour épater son auditoire. Plus ça allait, plus ça lui plaisait. Les femelles lui tournaient autour d’un air lascif, les mâles semblaient fortement impressionnés par ses « exploits », personne ne se moquait de lui… Bref, le paradis. Les effets du plum disparurent assez vite, mais Fant était tellement à son aise qu’il n’eut pas besoin d’en reprendre. Inutile de préciser que tout souvenir de la menace maké avait présentement complètement déserté son esprit.

   Lorsque vint la fin de la fête et que tous rentraient se coucher, il se rendit compte que quasiment toutes les jeunes femelles étaient restées et qu’elles devenaient de plus en plus entreprenantes, voire franchement impatientes. Fant se réjouit un cours instant de tout ce choix, puis une idée horrible lui effleura l’esprit. Si jamais il en mettait une enceinte, il devrait passer le reste de ses jours dans ce village, à s’occuper du môme et reprenant son ancienne vie de sédentaire. D’un certain coté, être ainsi adulé ne lui déplaisait pas, mais nul doute que le coté exotique disparaîtrait très vite et qu’il deviendrait en très peu de temps un villageois lambda. Tout simplement hors de question. Il jeta donc son dévolu sur un jeune mâle à peine moins âgé que lui, avec qui il passa une nuit torride, au grand dam de toutes les femelles refoulées qui durent se consoler entre elles.
   Et c’est là que vous noterez que je suis un auteur particulièrement cruel, parce qu’elles étaient en nombre impaire…
   Niark niark !

5) Art mural

   Au petit matin, Fant se réveilla en sursaut au souvenir du clan de makés à proximité du village. Transpirant à grosses gouttes, il réveilla son compagnon de paillasse en le secouant comme un fou. A moitié endormi, celui-ci lui demanda :
   - Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a ?
   - Il y a une chose très importante dont je dois parler au conseil ! J’ai vu des makés près du village en arrivant hier soir.
   - Hein ? Oh c’est vrai, tu n’es pas au courant. T’en fais pas, c’est pas des makés…
   - Quoi ?
   Voyant l’air anxieux de Fant, son jeune ami comprit que sa nuit était bel et bien finie. Résilié, il rejeta la couverture et s’assit sur le lit.
   - Non, on les appelle les makis. Les anciens pensent que c’est une branche éloignée des makés. Ils sont intelligents, sédentaires et vivent dans un village tout près. Ils parlent notre langue, probablement parce que leurs ancêtres nous fréquentent depuis fort longtemps. Nous faisons de nombreux échanges avec eux. Parfois on les invite à des petites fêtes, ou ce sont eux qui nous invitent. Ton arrivée nous a pris par surprise alors nous n’avons pas eu le temps de les prévenir. Mais ce soir peut-être…
   Au cours de la conversation, les détails de la journée précédente revenaient peu à peu à Fant. C’est vrai que ces makés avaient semblé plus grand que ce qu’on racontait. Et leur fourrure était très claire. Et le gamin lui avait clairement dit bonjour.
   - Euh, non, ce soir je risque d’être reparti…
   - Ne t’en fais pas, ils sont pacifiques. Enfin, sauf si on les provoque bien sûr.
   - Gloups…
   - C’est vrai que tu n’es pas habitué à eux, mais justement, je pense que ça te ferait du bien de les voir de près. Ainsi tu verrais à quel point ils nous ressemblent. Mais qu’est-ce qu’il y a ? Quelque chose ne va pas ?
   - Effectivement… Tu as du plum ?

   C’est donc parfaitement relaxé que Fant sorti de la hutte, son carquois sur le dos, prêt à reprendre son merveilleux voyage au cœur de cette forêt paradisiaque. Un fort attroupement devant une hutte plus en hauteur et quelques arbres plus loin l’intrigua suffisamment pour qu’il se décide à aller y jeter un petit coup d’œil. Il ne s’agissait hélas pas d’une petite fête de départ surprise, comme il put s’en rendre compte aux visages graves qu’arboraient les personnes présentes. Peu inquiété par tout ça, le Ff sous l’effet du plum se dirigea résolument vers l’intérieur de la hutte. Il n’y resta pas longtemps.

   Après avoir fini de dégobiller dans le vide l’intégralité de son petit déjeuner, il se remit lentement sur pied, pas très assuré. C’est marrant comme la vue du cadavre d’un enfant cloué au mur par les mains et les pieds et égorgé dissipait très vite les effets du plum. Et ne vous plaignez pas. J’aurai pu être bien plus crade sur la description.
   Pas loin de là, quelques voisins tentaient de consoler les parents éplorés. Quelques anciens discutaient devant l’entrée de la hutte. Malgré lui, Fant entendit des bribes de conversation.
   - Mais qu’est-ce qui a bien pu leur passer par la tête ?
   - C’est très étrange. Ce n’est définitivement pas leur genre de faire ça.
   - Et pourtant, c’est signé : leurs couteaux, le message…
   - C’est là que quelque chose m’échappe. Ce message dit qu’on est censé comprendre, mais je ne pourrais être plus perdu.
   - Moi, je crois que je comprend, en effet. Les makis ont décidé de nous faire la guerre, voilà tout ! Et ce sinistre ouvrage est leur façon de nous la déclarer.
   - Mais je ne comprend pas. Eux qui ont toujours été si gentils !
   - Oui et bien cela nous apprendra à copiner avec des bêtes sauvages. Ce n’est sûrement pas pour rien s’ils ressemblent tant aux makés !
   Abattus, les anciens se résignèrent à cette explication sans que quiconque ne pointe le fait que ce meurtre avait eu lieu la nuit même de l’arrivée d’un inconnu dans le village. Et à ce propos, vous noterez que je n’ai jamais parlé de la remarquable intelligence des Ff, ni de leur capacité de déduction hors du commun. Eh bien, si je me suis tu à ce sujet, c’était pour une bonne raison. De toute façon, Fant avait passé la nuit avec un villageois. C’était bien assez pour persuader tout le monde qu’il ne pouvait en aucun cas avoir provoqué cette horreur.

   Alors que tout le village se réunissait sur la plateforme centrale, notre héros ne put s’empêcher de remarquer que les Ff présents ne semblaient pas apporter de plum avec eux, contrairement à ce qu’aurait dicté la logique la plus élémentaire. A la place, ils taillaient leurs lances, vérifiaient leurs accrocheurs et plaçaient leur carquois de manière à pouvoir dégainer plus vite. Cette observation avertit Fant que les mœurs de ce village étaient peut-être fort différentes de celles de chez lui…

6) La pression monte

   Effectivement, tous les adultes partaient maintenant vers la jungle et on avait clairement fait comprendre à Fant qu’on avait besoin de chaque Ff disponible si le village voulait gagner la guerre. Egalement, le plum lui avait été refusé sous prétexte que ça émoussait les réflexes. Il aurait bien répondu que la terreur aussi risquait de lui émousser les réflexes, mais il se retint, jugeant avec un certain bon sens que ça ne ferait que lui attirer d’avantage d’ennuis. Quelques volontaires restèrent pour s’occuper des enfants, mais l’énorme majorité préféra aller se battre contre des makis fou furieux plutôt que de devoir se farcir la corvée de surveiller les gosses. Fant se proposa pour rester et tout le monde loua son esprit de sacrifice, mais il était un invité et quoi qu’il dise, il était hors de question qu’on lui refile une telle tâche. Ca faisait partie des choses qui ne se font pas.

   J’ai déjà pu dire que des chasseurs qui avancent en se dandinant suspendus à leurs accrocheurs, ça fait un peu ridicule. Et bien figurez-vous qu’une armée de Ff armés et prêts à en découdre, ça fait tout de suite un peu moins pitié. Ca irait même presque jusqu’à imposer le respect. En tout cas, ce serait très impressionnant s’il n’y avait pas un guerrier aux yeux orange qui faisait tout son possible pour disparaître vers l’arrière. Malgré tout, l’armée comptait plusieurs centaines de combattants, mâles et femelles, et leur air déterminé montrait clairement que la situation n’allait pas tarder à devenir explosive. On s’arrêta pas très loin du village ennemi et un émissaire fut envoyé seul pour prévenir que les Ff étaient prêts.
   Quels idiots ! se dit Fant. On pourrait attaquer par surprise et raser le village, mais il faut absolument qu’ils se battent à la loyale ! Déjà qu’en attaquant par surprise, on se prendrait une branlée, mais alors là…

   L’émissaire arriva fort vite en vue du village maki. Celui-ci était construit dans des arbres de taille plus réduite que le village Ff et s’il n’y avait pas toutes ces huttes construites contre les troncs, on jurerait être toujours en plein milieu de la jungle. Lorsque le Ff approcha, plusieurs gardes armés grondèrent dans sa direction. D’habitude, les makis ne portaient pas ainsi leurs couteaux en évidence et ils ne patrouillaient pas autour du village. Cette réaction prouva au Ff qu’il était attendu et pas pour une brochette-party. S’agrippant à un arbre, il lâcha ses accrocheurs et descendit le tronc vers les makis.
   - Je suis venu vous avertir que notre armée était prête. Vous savez pourquoi.
   Les makis se regardèrent d’un air bien compris. Le plus grand des makis se tourna alors vers le Ff.
   - Dis à ton peuple que nous sommes prêts également et que nous arrivons. Croyez bien que vous allez le regretter.
   - Nous vous attendrons. Et nous n’avons pas l’intention de vous faire le moindre cadeau.
   Sur ces mots, l’émissaire se retourna et grimpa l’arbre qu’il venait de descendre pour retrouver ses accrocheurs. Sans le quitter des yeux, le maki s’adressa à ses condisciples :
   - Allez prévenir le chef qu’il avait raison. Les Ff ont l’intention de nous combattre. C’était bel et bien une déclaration de guerre.

7) Une autre sauterie, mais nettement moins sympathique

   L’attente ne dura pas longtemps, mais Fant cru devenir fou. L’émissaire était rentré et avait annoncé que les makis étaient tous armés jusqu’aux dents et attendaient effectivement l’armée Ff. Celle-ci se déploya en un gigantesque arc de cercle étalé sur cinq rangs, en formation suffisamment espacée pour que les guerriers à l’arrière puissent lancer leurs armes sans problème. Notre héros était placé au troisième rang, soit plutôt bien à l’abri de la première vague, mais suffisamment près pour bien voir, mais surtout, suffisamment entouré pour ne pouvoir déserter discrètement. Il aurait préféré ne rien voir et être totalement à l’abri. Pendant l’attente, le doyen rappela les règles de base du combat contre les makés, qui du coup s’appliquaient aussi bien contre les makis.
   - Rappelez-vous que les makis voyagent dans les branches. Ils arriveront donc par le bas. Essayez de viser les makis qui s’approchent le plus près. S’ils arrivent à proximité, vous perdrez tout avantage. Une fois la bataille commencée, tentez de rester dos-à-dos et le plus éloigné possible des branchages. Au pire, mettez-vous dos à un tronc et empêchez-les d’escalader de votre coté. Enfin, je n’insisterai jamais assez sur…
   L’ancien s’interrompit brusquement et tourna la tête vers le village maki. Tous firent silence. Fant se demanda ce qui avait bien pu arrêter cette longue tirade stressante. Il n’entendait rien d’autre que les battements de son cœur qui résonnaient dans ses tempes. Mais très vite, il se rendit compte que le bruissement des feuilles devenait effectivement plus fort. Bientôt s’y ajoutèrent des bruits de branches cassées et d’horribles hurlements de guerre tribaux. Tournant son regard vers le bruit, il distingua bientôt l’armée ennemie.

   J’ai dit un peu plus haut qu’une armée Ff en marche était impressionnante. C’est assez vrai, mais une fois qu’on assiste au spectacle d’une armée maki en train de charger, on revoit son opinion sur le sujet. Ils apparaissaient les uns après les autres, sortant du feuillage ou arrivant de branches inférieures. Ils galopaient sur les branches avec leurs quatre pattes, à la manière des gorilles, sautaient d’arbres en arbres ou encore se balançaient à des lianes, tels des Tarzans sous amphétamines. Leur fourrure claire ressortait assez peu sur les arbres environnants et souvent, on se rendait compte très tard que ce qu’on avait pris pour du quelconque feuillage était en fait un dangereux guerrier maki. Ce dernier élément rendait les ennemis impossible à dénombrer, d’autant plus qu’ils avançaient dans le chaos le plus total. Ils arrivaient d’assez loin et annonçaient bruyamment leur venue contrairement aux craintes de Fant qui pensait qu’ils seraient arrivés directement sous l’armée de Ff, mais le spectacle fut encore pire et nombreux furent les guerriers à regretter amèrement de ne pas avoir emporté de plum. L’un des Ff à proximité de Fant murmura à portée d’oreilles de ses voisins :
   - Ca va faire de la viande pour au moins deux femps, ça.
   La bravade fit sourire plusieurs guerriers dont le moral remonta un peu.
   Mais pas beaucoup.

   Soudainement, le doyen cria :
   - Ils sont à portée ! Tirez !
   Aussitôt, plusieurs centaines de lances fusèrent vers l’armée ennemie. Fant ne put voir s’il avait touché sa cible, mais de nombreux makis tombèrent hérissés de lances. Sans perdre un instant, les Ffs s’emparèrent d’une nouvelle lance dans leurs carquois et la jetèrent sans attendre. L’armée maki fut fort peu ralentie et très bientôt, les premiers guerriers tirèrent des couteaux de la ceinture qu'ils portaient en bandoulière et les lancèrent avec une précision effrayante. Plusieurs Ff du premier rang lâchèrent leurs accrocheurs et entamèrent leur Chute. Un soldat resta même accroché, les poings serrés dans un dernier spasme alors que couteau lui avait perforé le cœur. De son coté, Fant évitait de trop réfléchir et jetait lance sur lance à la face de l’ennemi. Devant lui, le premier rang commençait à se dégarnir, mais les pertes Ffs étaient encore bien inférieures aux pertes des makis. Hélas, la tendance s’inversa dès que les makis arrivèrent à porter de bond. Les deux premiers qui tentèrent le coup, hurlant et bavant, furent interrompus dans leur saut par une ou deux lances correctement envoyées. Le troisième n’eut pas ce déplaisir et réussit à se suspendre aux pieds d’un Ff qui venait de jeter sa lance. Le choc fut tel que tous purent entendre les os des poignets craquer et la victime lâcha aussitôt ses accrocheurs, et croyez-moi qu’avec les poignets en miette, vous feriez pareil. Le chasseur et sa proie disparurent vers la cime des arbres, mais nulle raison de s'en faire pour le maki. Les réflexes de son espèce sont bien rodés. Il y a fort à parier qu’il pu s’élancer de sa victime jusqu’à une branche passant à proximité.
   Quelques makis furent encore stoppés avant que le gros de leur armée ne commence à se mettre aussi à bondir et que les couple Ff-makis ne se mettent à tomber par dizaines. Parfois, un Ff restait bien cramponné à ses accrocheurs et ses voisins pouvaient alors achever le maki au contact, puis lui faire lâcher prise.
   Parce qu’elles se cramponnent ces saletés !

   Perdu dans la mêlée, Fant essayait de frapper tous les makis qui passaient à sa portée. Ce n’était pas si facile que ça, ils allaient drôlement vite et un simple coup ne leur faisait pas très mal. Il fallait vraiment leur enfoncer la lance profondément pour qu’ils sortent de leur rage guerrière. Tout autour, l’espace s’ouvrait peu à peu, au fur et à mesure que ses compagnons d’arme tombaient ou allaient se placer ailleurs. A un moment, un maki sauta sur un tronc à proximité et rebondit vers lui à une allure de TGV. Levant les jambes par réflexe, Fant évita le pire, mais le monstre accrocha quand même sa lance. Le Ff la lâcha aussitôt et son agresseur tomba en hurlant vers les profondeurs de la jungle. Un peu sonné, Fant sortit sa dernière lance de son carquois, bien décidé à la garder en main, ou plutôt en pied. Le champ de bataille était maintenant très étalé et des petites poches de Ffs repoussaient ici et là les assauts des makis. Le nombre d’accrocheurs encore plantés en terre, mais sans personne au bout le fit frissonner et il décida de s’éloigner au plus vite de ce coin à découvert. Quelques Ffs s’étaient rassemblé sur une branche et luttaient l’arme au poing. Fant décida de les rejoindre. Il commençait à en avoir marre d’avoir sans cesse le vide sous ses pieds alors que des makis sauteurs s’amusaient encore à déraciner tout ce qui pendait.

   Depuis le village Ff, la pluie quasi incessante de combattants Ffs et makis sembla doucement commencer à se tarir, signe que la bataille tendait vers la fin. La fatigue fit son œuvre et les deux armées décidèrent de s’éloigner d’un commun accord. Chacun alla retrouver ses affaires : pour certains, des couteaux, pour d’autres, des lances et des accrocheurs. Et on rassembla les rares blessés. Il faut dire que dans ces conditions, les blessés ont très souvent tendance à tomber et quand on tombe, c’est définitif.

   Avant de se séparer, le doyen Ff se tourna vers l’armée adverse qui repartait de son coté et cria :
   - Demain, même lieu, même moment !
   Le chef maki se tourna vers lui et après un bref grondement lui répondit :
   - A votre guise, Ff !

8) Le combat des chefs
(vous remarquerez que mes titres sont très recherchés)

   L’après bataille fut rude aussi. Parce que cette fois, Fant savait à quoi s’attendre pour le lendemain. La simple idée de retourner se battre lui souleva l’estomac et il accepta fort volontiers le plum qu’on lui offrit. Nombreux furent les guerriers à suivre son exemple. Le reste de la soirée fut dédié au compte des pertes et à l’identification des disparus.
   Même la perspective des nombreuses nuits de jambes en l’air qu’il allait falloir pour repeupler le village ne semblait pas remonter le moral des villageois. Fant se sentit fort peu concerné. Il aurait pu profiter de ce que l’attention des autres était ailleurs pour déguerpir habilement, malheureusement le plum lui fit oublier qu’il avait tout intérêt à fuir et il passa de nouveau la nuit dans la case d’un autre mâle bien shooté lui aussi. Le réveil fut d’autant plus brutal.

   Je vous épargnerai la description de l’armée Ff en marche, on l’a déjà vue au chapitre précédent. Par contre, on pouvait noter aujourd’hui que les regards étaient un peu moins farouches et que les guerriers semblaient moins pressés d’en découdre que la veille. Il est à noter que 35% des combattants avaient trouvé la mort. Ceux qui restaient n’étaient plus très sûrs de se considérer chanceux d’avoir survécu. Ce matin également, le plum avait été prohibé et Fant sentit un ulcère prendre forme. C’était déplaisant. Arrivant sur place, les Ffs purent constater que les makis attendaient déjà. Apparemment, eux aussi avaient des appréhensions. Curieusement, ils ne braillaient plus en se tambourinant le torse comme ils s’amusaient à le faire avant la précédente bataille.
   Les Ffs s’arrêtèrent et tirèrent leurs armes de guerre lasse. En face, les makis firent de même, sans plus y mettre de bonne volonté. Alors que le doyen se tournait vers ses troupes pour leur donner l’ordre de charger, les visages de ses soldats l’arrêtèrent en plein élan et il referma la bouche sans dire un mot. Ramenant son attention vers les makis, il se rendit compte que leur chef avait les mêmes difficultés à formuler les ordres de charge. Les deux chefs se regardèrent d’un air las. Dans ces conditions, faire la guerre est quand même nettement moins rigolo. Finalement, les deux chefs s’approchèrent l’un de l’autre. Le maki prit la parole :
   - Franchement, à quoi ça mène tout ça ?
   - Ben oui, c’est pas vraiment la chose la plus maligne qu’on ait faite depuis qu’on est voisin.
   - J’ai perdu presque 40% de mes guerriers hier, principalement des jeunes.
   - Nous, c’est pas très loin non plus.
   - Franchement, ne pourrait-on pas en discuter sagement ?
   - Moi, je veux bien, mais c’est quand même vous qui avez commencé.
   - Quoi ? Tu te fiches de nous ? C’est de votre faute tout ça !
   - Celle-là c’est la meilleure ! Vous nous déclarez la guerre et on devrait faire comme si de rien n’était ?
   - Mais c’est vous qui nous avez déclaré la guerre !
   - Ben faut dire qu’on pouvait difficilement laisser passer ça !
   Voyant leur chef respectif s’échauffer ainsi, mâles et femelles des deux armées sentirent le défaitisme les gagner. Néanmoins, quand les deux guerriers en vinrent aux armes, aucune des deux armées ne jugea bon d’aller aider son patriarche.

   - Espèces de schtroumpf à oreilles pointues !
   - Bande de Wookies version Minipouss !
   - Hors de question qu’on laisse passer un tel outrage.
   - J’en ai autant à ton service !
   Ftrer, doyen des Ffs, et Mons, chef des makis, sortirent leurs armes respectives et Mons se jeta sur son ennemi depuis la branche où il se tenait. Le choc fut rude, mais Ftrer tint bon ses accrocheurs et tenta de planter sa lance dans les flancs de son rival. Celui-ci para avec son couteau et décida d’utiliser ses pattes pour griffer le vieux Ff.
   Il n’y a pas à dire, à regarder de loin, c’était impressionnant et les deux armées n’en perdirent pas une miette. Les deux combattants étaient maintenant légèrement blessés tous les deux, mais ils ne semblaient pas s’en rendre compte alors qu’ils continuaient de se griffer, de se mordre et de tenter de s’enfoncer lance et poignard dans les côtes. Le moment est peut-être bien venu pour expliquer que si un accrocheur parvient à supporter le poids de deux Ffs, un Ff et un maki, ça pèse quand même autrement plus lourd, surtout quand ceux-ci s’excitent comme des petits fous. Bref, ce qui devait arriver arriva, l’un des accrocheurs céda et aucun des combattants ne parvint à garder prise sur celui qui restait.
   Le premier qui me balance que mes nouvelles deviennent téléphonées, je le sors à coup de trique !
   Toujours est-il que la chute n’arrêta pas le combat pour autant. Continuant de se tabasser allègrement, les opposants tombèrent de plusieurs dizaines de mètres avant qu’un instinct maki ne force Mons à se propulser sur une branche. La force de sa poussée catapulta Ftrer contre un tronc dans lequel il parvint à enfoncer l’accrocheur qui lui était resté dans les mains. Reprenant appui, il se retourna juste à temps pour dévier de sa lance un couteau que lui lançait son adversaire. Puis ils reprirent leur souffle en se dévisageant l’un l’autre, le regard haineux.

   Tout en haut, les deux armées finirent par se lasser de contempler l’accrocheur resté planté dans la terre et lorsqu’ils entendirent en dessous que le combat avait repris par on ne sait quel prodige, Ffs comme makis se ruèrent sur le premier tronc venu qu’ils dévalèrent à vive allure pour pouvoir continuer à apprécier le spectacle. Finalement, ça avait valu le coup de survivre.
   Resté seul, Fant compris que le moment de se carapater était enfin venu. S’assurant qu’aucun de ses compatriotes ne regardait dans sa direction, il s’élança le plus discrètement possible dans la direction qui l’éloignerait des deux villages. Il aurait peut-être dû regarder aussi du coté des makis, car un retardataire venait d’assister à son petit manège et le maki se dit que ça ne présageait rien de bon. Pourquoi s’éloigne-t-il celui-là ? C’est du plus haut suspect. Si ça se trouve, ce fourbe est investi d’une mission secrète. Je dois vérifier tout ça. Et abandonnant résolument le joli spectacle auquel elle aurait pu assister, la bête s’engagea d’un bond sur le chemin qu’avait emprunté le fuyard.

   Plus bas, Ftrer et Mons faisaient durer le plaisir, à la grande satisfaction de leurs concitoyens. Le Ff restait accroché à son tronc et le maki sautait depuis diverses branches en essayant de lui porter un coup de couteau. Bien entendu, son adversaire profitait de chacun de ces sauts pour essayer de lui caser un bon coup de lance dans la gueule. Au bout d’un moment, Mons s’accrocha également au tronc et tendit son couteau droit vers la gorge de l’adversaire. Les réflexes de ce dernier, loin d’être émoussés, lui permirent de bloquer le coup et les deux combattants poussèrent chacun de leur coté comme des forcenés. Finalement, Ftrer ne put résister à l’envie de sortir une phrase héroïque, qu’il se sentait en devoir de prononcer dans un moment comme celui-ci :
   - Tu ne peux pas me battre, Mons. La justice est de mon coté.
   - Tes forces s’estompent vieillard. Abandonne.
   - Sache que si tu me terrasses, je deviendrais plus puissant que tu ne l’as jamais été.
   Bien qu'encore très fort au combat, l’ancien avait quand même commencé à perdre la boule depuis un sacré moment. Cette tirade ne surprit donc pas son adversaire qui fit semblant de rien par charité.
   - Jamais nous ne nous laisserons écraser par ceux de ton espèce, jamais !
   - Le meurtre du fils de Frorn et Fadio sera vengé.
   - Allons Ftrer ! Tu sais très bien pourquoi nous avons tué cet enfant innocent.
   - Oui, parce que vous êtes des animaux sauvages, des brutes assoiffées de sang !
   - Comment ? Tu as le toupet de nier le meurtre de la fille de Mirne ?
   Moment de flottement…
   - Quel meurtre de la fille de Mirne ?
   - Allons, tu le sais très bien. La pauvre enfant qu’un des tiens a cloué à un arbre avec sa lance. Ne le nie pas, c’était une de vos lances, je sais les reconnaître. Et Mirne dit avoir clairement vu un Ff prendre la fuite.
   - Pardon ? Non, attends, si tu pouvais arrêter de vouloir me planter ton couteau dans la gorge… Oui, voilà, pouce.
   Les deux chefs rangèrent leurs armes et se regardèrent avec suspicion. Les deux armées tendirent l’oreille, intriguées.
   - Tu es sûr de toi, Mons ? C’était bien un Ff ?
   - Tu veux dire que tu n’étais pas au courant ? Mais enfin, pourquoi l’un des tiens viendrait tuer un de nos enfants sans qu’il n’en ait reçu l’ordre ?
   - Je te donne ma parole d’honneur qu’aucun membre du conseil des anciens n’est au courant d’un tel acte de sauvagerie. Le père a-t-il vu de qui il s’agissait ?
   - Le meurtrier était déjà loin, mais Mirne dit avoir clairement vu des yeux orange, orange pale.
   - Nous n’avons personne au village qui ait une telle couleur d’yeux. Peut-être…
   Ftrer s’interrompit alors qu’une étincelle mettait le feu aux poudres dans son cerveau. Sur les branches au-dessus, tous se tournèrent pour chercher le responsable. Le choc fut d’autant plus rude pour les Ffs quand ils découvrirent que Fant n’était plus parmi eux. Quand on en averti le doyen, il sentit la colère monter en lui, puis il poussa un hurlement de rage qui retentit à travers la jungle.

9) Leçon d’immoralité

   Un léger sourire joua sur les lèvres de Fant alors qu’il s’imaginait la bataille qui continuait sans lui. Ces abrutis vont terminer de s’entretuer sans même savoir pourquoi et même s’ils finissent par apprendre la vérité, je serai loin quand ça arrivera. Il n’y a pas à dire, parfois mon intelligence m’épate moi-même.
   Oui, pour Fant, être retors était synonyme d’intelligence. L'auteur nie fortement penser de même.
   Pensant s'être suffisamment éloigné du champ de bataille, Fant s’approcha d’un arbre et descendit jusqu’à la plus haute branche (ou la plus basse… Enfin la plus proche du sol quoi, merde !). Une fois bien installé, il se dit qu’un peu de plum ne lui ferait pas de mal pour oublier tout ça. Alors qu’il plongeait la main dans son carquois, un bruissement de feuilles du plus haut suspect lui fit relever la tête. Mal lui en prit, car ce fut pour voir un maki fou furieux qui sautait droit dans sa direction, couteau en main. Je doute de plus en plus que les réflexes Ffs soient vraiment les meilleurs, car Fant ne trouva rien de mieux à faire que de perdre conscience. Certes, ça fait passer la Chute plus facilement, mais peut-être qu’en restant alerte, il aurait pu parer le coup. Enfin qu’importe, puisque pour cette fois, son adversaire n’avait pas l’intention de le tuer. L'agresseur s’arrêta donc, un peu emmerdé d’avoir fait s’évanouir celui qu’il voulait interroger. Après de nombreux secouages, Fant finit par reprendre conscience, chose qu’il regretta amèrement en constatant la visage du maki à même pas cinq centimètres du sien. Malgré tout, un hurlement d’effroi fut la seule conséquence, ainsi peut-être que quelques années en moins dans son espérance de vie. Une fois qu’il fut calmé, le maki prit la parole :
   - C’est bon ? Ca va mieux ?
   - Euh... Non ?
   - Bon, on dira que si. Pourquoi as-tu fuis la bataille ? Qu’est-ce que tu manigances ?
   Pourquoi j’ai fui la bataille ? Non mais attendez, il est con ou quoi ? Parce que je n’avais pas envie de crever voilà tout !
   Cette réponse n’aurait sûrement pas apaisé la fureur de la monstrueuse chose poilue, aussi Fant garda-t-il le silence. Fronçant les sourcils, le maki prit ce traitement comme du dédain.
   - Tu refuses de me répondre ? Très bien, je vais te ramener de force auprès des miens et on verra si tu restes aussi fier.
   - Non, attend !
   Le cerveau du Ff se mit à fonctionner à toute vitesse. Aucun doute sur le fait qu’une telle bestiole puisse aisément le ramener de force sans avoir à fournir un trop grand effort. Mais si Fant était ramené là-bas, aucun doute qu’il ne ferait pas long feu, que ce soit à cause de la bataille, à cause des tortures makis ou parce que la vérité finirait par éclater. Il allait donc falloir la jouer fine. C’est alors qu’une des réflexions qu’il s’était faites au village lui revint. Je vous avais alors dit de vous en souvenir. Démerdez-vous si vous ne l’avez pas fait.
   - Ecoute, l’histoire est plus compliquée que tu ne le crois. Mon peuple est prêt à tout pour exterminer les tiens.
   - Qu’est-ce que tu veux dire ?
   - Le combat entre notre ancien et le vôtre… C’est un piège. Le conseil nous a donné l’ordre d’attendre le bon moment et d’en profiter pour écraser votre armée par l’arrière, puis pour raser définitivement votre village. Nos ordres étaient de ne laisser aucun survivant.
   - Tu… Tu inventes tout cela. Nul ne pourrait imaginer un plan aussi fourbe.
   - Si nul ne pouvait l’imaginer, comment pourrais-je te le décrire ?
   - Non… Mon village… Je dois les avertir.
   C’était la réaction attendue par Fant. Cet emmerdeur allait retourner se faire massacrer et le laisserait tranquille.
   - Mais attend ! Et toi ? Quel rôle joues-tu là-dedans ? Pourquoi t’es-tu enfuis ?
   - J’ai honte de te répondre, mais j’ai préféré trahir mon peuple et l’abandonner, plutôt que de participer à un tel massacre sans honneur. Je réprouve les méthodes de mon peuple…
   Apparemment, le macaque semblait avaler toute cette histoire à dormir debout. Néanmoins, il semblait moins presser d’aller se faire massacrer. Aussi Fant rajouta innocemment, ou en tout cas, d’un air qu’il voulut innocent :
   - Tu ne vas pas prévenir ton peuple ?
   - Cela fait un moment que je te poursuis. Si tu me dis la vérité, il ne fait aucun doute que j’arriverai trop tard. Il ne me sert à rien d’aller me faire massacrer inutilement.
   - Mais… Et l’honneur ?
   - Quel honneur ? Face à des monstres pareils, faire preuve d’honneur serait leur accorder une trop grande faveur. S’ils me tuent, ils auront tout gagner et je ne peux le permettre.
   Ce changement notable de comportement embêtait bien notre héros qui commençait à se demander comment il allait se débarrasser d’un si volumineux compagnon. Il ne put réfléchir plus avant à la question, car un éclaireur Ff sortit d’un buisson de fougères et les repéra immédiatement. Voyant la cause de ce bain de sang à portée, elle sortit une lance de son carquois, le visage plein de haine. Fant resta cloué sur place.
   Ils savent…
   Son souffle ne fut néanmoins pas le dernier, car son compagnon réagit autrement plus vite que lui et sauta de toutes ses forces sur la guerrière Ff et s’accrocha à ses poignets et à ses chevilles. Surprise de voir sa proie être défendue par un maki, la femelle ne réagit pas tout de suite, laissant le maki se secouer allègrement, délogeant les accrocheurs. Un ultime saut périlleux arrière amena le primate hors de danger alors que la Ff tombait vers l’infini en hurlant. Le maki se tourna alors vers Fant :
   - Je te remercie de m’avoir avertie du danger. Je dois maintenant me séparer de toi et fuir le plus loin possible. Le cri de cette Ff va ameuter le reste de leur armée et il est hors de question que je périsse aujourd’hui.
   Et en effet, on entendait au loin les bruits d’une battue qui se rapprochaient de façon déplaisante. Alors que le maki sautait sur une autre branche, Fant se souvint du regard que la femelle lui avait lancé. Cela ne faisait aucun doute, elle était là pour lui et les autres finiraient ce qu’elle avait essayé de faire.
   - Attend ! Tu ne peux pas m’abandonner, je les ai trahis, ils vont me faire Chuter, tu peux en être sûr ! Je ne parviendrai jamais à les semer tout seul.
   Ces paroles arrêtèrent le maki en pleine course. Il se retourna alors que les premières lances commençaient à fuser. En grimaçant, il fit demi-tour, revint sur la branche de Fant, le prit sous son bras et repartit au pas de course sous les regards effarés des Ffs. Ils n’avaient aucune chance de rattraper un maki en fuite, fut-il alourdi par un Ff.

10) Epilogue
(sur ce coup, j’admet que c’est moins recherché)

   Ftrer se tenait face à son vieil ami, Mons :
   - Il nous a échappé. Tu peux croire que j’en suis le premier désolé.
   - Comment avez-vous pu nous faire ça ? Nous voulions nous charger nous-même de sa capture. Dans notre volonté de voir la paix renaître, nous vous avons laissé prendre la situation en main, comme tu me le demandais. Et tout ça pour quoi ? Pour laisser le responsable s’échapper ! D’ici à croire que vous l’avez fait exprès pour nous nuire d’avantage, il n’y a qu’un pas facilement franchi.
   - Oh, ça te va bien de prendre des grands airs. Mais il m’a bien semblé que tu me laissais facilement la charge de le rattraper. Peut-être aurais-je dû me douter que tu planifiais tout ça dès le début…
   - Qu’est-ce que tu insinues, Ff ?
   - Allons, tu es forcément au courant. Le Ff responsable du meurtre de la gamine n’a pu nous échapper que parce qu’il a été aidé par un maki.
   - Mensonge !
   - Et tu prétends que je mens ? L’une des nôtres s’est fait tuer par ce maki et c’est lui-même qui a emporté le traître sous son bras. Oseras-tu me dire qu’il s’agissait également d’un étranger ?
   - Tu mens, Ftrer et je le sais. Aucun des miens ne pourrait protéger un assassin, et surtout pas un infanticide. Tu désires cette guerre entre nous, avoue-le !
   - Alors c’était ça… Tu as utilisé cet étranger pour pouvoir déclencher une guerre et comme nous étions sur le point de l’attraper, tu l’as fait sauver par un de tes guerriers. Et maintenant, tu accuses mon village !
   - Sale bouffeur de salade bleu !
   - Tronche d’orang-outang déformé !
   Autour d’eux, les deux peuples soupirèrent. Apparemment, le conflit n’était pas près de s’éteindre…

   Et effectivement, celui-ci dura deux memps pleins. Les deux anciens furent dans les premiers à succomber, mais les villages voulurent tous deux venger leur aîné. La haine s’installa petit à petit et les derniers pacifistes jetèrent leur raison aux orties pour rejoindre cette meurtrière bataille. La nourriture finit par manquer dans les deux villages, mais cela n’arrêta pas les hostilités, au contraire. Le nouveau but devint de voler les réserves de l’ennemi. On commença à s’attaquer pendant les heures de sommeil, puis à s’en prendre principalement aux enfants et aux blessés. Les femelles enceintes des deux villages se retrouvèrent rapidement égorgées dans leur sommeil. Ce combat cauchemardesque prit fin un beau jour, alors que les deux derniers combattants périrent tous les deux en même temps dans le brasier, après deux huitièmes de femp éprouvant durant lesquels ils avaient continué à se battre tout le long de la Chute. Le silence ainsi retrouvé redonna un certain charme aux ruines des deux villages, mais plus personne ne fut là pour en profiter.
   A part les oiseaux, ce qui est toujours ça…

   - NOONNN !
   Bien loin de là, et peu de temps après la reprise des hostilités, ce hurlement propre à déchirer le cœur le plus insensible retentit dans la jungle. Malgré tout, le maki se contenta d’y répondre :
   - Quoi ?
   - C’est la catastrophe absolue. J’ai oublié mon allumeur au village Ff.
   - Et alors ?
   - Comment ça et alors ? Mais ça veut dire que je ne pourrais plus fumer de plum !
   - Et c’est ça qui te met dans cet état-là ?
   Eh oui. Plusieurs jours après avoir fui la bataille, ceux qui allaient bientôt devenir les deux seuls survivants de cette monstrueuse guerre se chamaillaient gentiment au milieu de nul part.
   - Mais bien sûr que ça me met dans cet état ! Et toi, comment tu fais pour rester si calme ? Après tout, tu as perdu ton village.
   - Eh bien… Oui, je suis profondément triste de ce qui vient de m’arriver. Mais d’un autre coté, je me dis que tu n’es pas loin de ma situation. Tu as volontairement abandonné tout ton village pour des raisons morales et pourtant tu restes fort. Enfin, pour ça en tout cas, tu restes fort… J’essaye de suivre ton exemple et de cacher ma peine. Mais je suis étonnée qu’une simple histoire de plum arrive à te mettre dans un état pareil après que tu ais montré une si grande force de volonté. Au fait, je ne sais même pas ton nom, toi qui m’as sauvé la vie.
   - Fant, répondit l’intéressé dans un soupir.
   Il est vrai qu’il valait mieux rester discret sur cette histoire de plum. Si jamais le maki avait le moindre soupçon, il risquait de lui broyer la nuque en un tour de main.
   - Et toi, quel est ton nom ? Puisque apparemment nous allons devoir faire route ensemble, autant que je connaisse ton nom, jeune compagnon.
   - Mon nom est Mela. Et comme tu sembles ne pas l’avoir remarqué, je dois te préciser que je suis une femelle.
   - Ah bon ?
   Le regard de Fant descendit vers la poitrine, mais elle était tellement velue qu’il ne parvint pas à faire la moindre différence avec celle d’un mâle. Mela suivi son regard et ajouta prestement :
   - Inutile de me mater comme ça. Je te dis direct que tu ne m’intéresses pas. Je ne suis pas encore zoophile.
   - Hein ? Mais qu’est-ce que tu vas t’imaginer ? Et puis c’est plutôt à moi de parler de zoophilie s’il se passait quoi que ce soit entre nous. T’as pas vu comme t’es poilue ?
   - Peut-être, mais moi au moins, j’ai des oreilles normales et ma peau ne prend pas une teinte d’eau usée.
   - Ah parce qu’en plus, tu pisses bleu ?
   Cette intéressante discussion fut brusquement interrompue lorsque Mela aperçu un objet brillant dans le lointain.
   - Là-bas ! Tu l’as vu ?
   - De… Quoi donc ?
   - Un truc qui brillait dans le ciel. C’était trop gros pour être un oiseau. Viens, allons voir.
   Bien que Fant se dit que sa nouvelle compagne n’avait pas dû bien supporter leur régime depuis qu’ils avaient fui, une pensée typique de sa part le fit suivre la maki. En gros, il est toujours plus sécurisant de voyager avec un compagnon deux fois plus lourd, deux fois plus fort et deux fois plus rapide que soi.
   Décidément, les makis étaient des êtres fort curieux. Ils ne mangeaient pas de viande, ou alors quelques oiseaux assez rarement, et leur préférait les insectes, ce qui écoeurait passablement Fant. Par contre, ils mangeaient comme quatre. Enfin, celle-là en tout cas. Tout le long du voyage, et alors que Fant ne connaissait toujours pas son nom ou son sexe, elle n’avait cessé de se plaindre qu’elle s’ennuyait. Selon Fant, le manque d’excitation était pourtant la qualité première de ce voyage. Mais je me doute que le lecteur préfère quand il se passe quelque chose.
   Aussi la voilà maintenant qui poursuivait un quelconque truc brillant, espérant qu’une chose amusante allait se produire là où la chose avait disparu. A défaut d’être amusantes, les conséquences allaient tout de même valoir le coup.

D’où un troisième épisode : Premier contact.